COVID-19 : les impacts sur mon quotidien

COVID-19 : les impacts sur mon quotidien

Cela fait quelques semaines que je n’ai pas pu prendre du temps pour venir sur mon blog et me pauser pour pouvoir écrire des articles.
En cause, ce foutu virus COVID-19. Toujours lui, mais plus particulièrement, l’impact s’est intensifié dans ma vie depuis janvier.

Au cas où vous ne le saviez pas, je suis infirmière depuis quelques années. Actuellement, je travaille dans un centre de dialyse.
Jusque-là, nous avions eu seulement quelques cas positif parmi le personnel soignant et les patients, mais de façon épisodique. Par conséquent, il n’y avait pas vraiment d’impact sur le travail et sur notre quotidien.

Le début du cluster COVID-19

À la troisième semaine du mois de janvier, nous avons eu trois patients qui étaient positifs au même moment. Et cela a été le début de la contamination dans la dialyse. En quelques jours, nous sommes devenus comme on dit, un « cluster » ou foyer de contamination.

Dans un premier temps, une salle avec quatre lits suffisait pour accueillir les patients infectés. Ils venaient un jour sur deux avec une infirmière pour s’en occuper. La seule contrainte pour les patients, c’est qu’ils venaient en horaire décalé de celles habituelles. C’était pour ne pas croiser les autres patients. Aussi ils étaient transportés sur des brancards pour qu’ils ne touchent à rien dans le centre.

Et paraléllement, les tests PCR (tests Covid) ont été fait de façon systématique toutes les semaines pour tous les soignants et personnels du centre et pour les 120 patients. Pour faire ces tests, ça a été aussi une grande organisation !

Ce jour horrible

Il y a eu ce fameux jour du 20 janvier, qui nous a tous vraiment marqué et peiné. Deux patients se sont présentés dans la salle COVID-19, ils étaient vraiment mal. Ils avaient de grosses difficultés à respirer et l’un des deux, Mme R. était limite inconsciente. Le Samu a dû être appelé pour les prendre en charge et les menés aux Urgences. Ils ont pu prendre en charge le premier patient. Mais Mme R. n’était pas transportable vu son état très dégradé. Elle a dû finir sa vie dans ce service, pas du tout adapté à accompagner correctement la fin de vie.

Le centre de dialyse n’est pas un endroit adapté pour accompagner correctement des personnes mourantes. Car le matériel sur place est en adéquation seulement avec l’activité de dialyse, notre chariot d’urgence possède des traitements pour l’urgence vitale et non avec des produits pour accompagner la fin de vie comme des sédatifs. Aussi la famille n’est jamais autorisée à venir dans le centre sauf exception alors que c’est la présence de la famille est la priorité lors des derniers instants d’une personne.

C’était tellement horrible de se dire que Mme R. était en train de mourir et que nous, nous devions continuer de nous occuper des autres patients qui ne se doutaient pas une minute de ce qui se passait dans cette salle covid.

Et l’infirmière qui était responsable d’elle, lui a tenue la main jusqu’à l’arrivée de la famille.
Toute l’équipe a vécu cette situation très difficilement ce jour-là et les jours suivants. Nous n’étions pas préparés à cela et on a pris une grosse claque dans la figure.

La suite du cluster

Chaque jour, nous apprenions qu’un ou plusieurs patients ou soignants été positif à la COVID-19.

Toute l’équipe a dû se mobiliser pour pallier les nombreuses absences simultanées. Personnellement, j’ai effectué des jours supplémentaires et pendant trois semaines, je n’ai pas eu deux jours de repos consécutifs. C’est pour cela que pendant mes jours de congés, je me reposais, faisais les tâches ménagères. Par conséquent, je n’avais pas le temps d’écrire sur le blog. Je partageais un peu sur mon Instagram, car c’est plus rapide.

La petite salle « COVID + » de quatre lits n’était plus adapté. Il a fallu accueillir les patients dans une salle avec 8 places et toutes les après-midis. Il fallait aussi mobiliser deux infirmières.

Quelques exemples d’organisation dans un secteur pour patients isolés

Nous recevons les patients vers 13h30 et jusqu’à 18h30-19h. Nous ne pouvons pas sortir de cette salle, ni enlever le masque FFP2, ni boire et ni aller aux toilettes.

Dans la salle en question, les lits sont disposés en cercle et au milieu de la pièce, derrière des vitres, il y a le bureau infirmier. Du coup le bureau était l’endroit « propre » et le reste de la salle était dit « sale ou contaminé ». Franchement, ça a été une prise de tête pour faire attention qu’aucun objet dit « propre » (feuille de séance, stylo) ne rentre pas dans la zone « sale ».

Par exemple, habituellement, les feuilles de séance de dialyse qu’on remplit tout au long de la séance reste sur les machines de dialyse. Mais là, ce n’était pas possible et retenir toutes les données de la machine est impossible. Donc on a fini par opter pour la solution, garder un seul stylo qui ne quitterait pas la zone « sale ». On écrivait sur les feuilles jetables pour s’essuyer les mains et les scotcher sur la vitre pour qu’une fois qu’on soit dans la zone « propre », on puisse retranscrire les données sur nos feuilles de séance.

Le matériel

Aussi, il fallait calculer en amont le matériel dont on aurait besoin pendant la séance parce que tout ce qui rentrait dans cette zone « sale » finissait pas être jeté à la fin de la séance pour éviter tous risques de contamination. Si vraiment il nous manquait quelque chose, il fallait appeler un infirmier d’un autre secteur de la dialyse pour pouvoir être aidé.

Les transports

Ce qui était compliqué aussi à gérer dans l’organisation, c’était les transports. Habituellement, chaque patient à une société de taxis ou ambulances attitrés. Mais là, une seule société d’ambulances acceptait de prendre en charge ces patients. Les autres ne voulaient pas, car effectivement, c’est contraignant : il y a des tenues et du matériel particuliers et surtout il faut faire un nettoyage intégral des véhicules après le transport des patients malades.

Mais bon, personnellement, ça m’énerve un peu parce que les sociétés d’ambulances quand tout va bien, elles sont bien contentes qu’on les appelle et qu’on les fasse travailler, mais quand ça se complique, ils désertent. Bref…

Donc nous avions une seule société, avec deux ambulances dédiées pour prendre en charge les 7-8 patients. Sachant que les patients finissaient leur dialyse à peu près en même temps, cela engendrait une heure d’attente pour les deux derniers patients et aussi pour nous.

Il faut savoir aussi, qu’il faut rajouter, pour nous les infirmières, une demi-heure de nettoyage après le départ du dernier patient. Les journées de 12 heures devenaient plutôt 13 voir 14 heures de travail.

On voit la fin…

Nous sommes début mars quand j’écris cet article et nous commençons à voir la fin de ce cluster.
Les patients sont sortis petit à petit de la zone COVID-19. Un test PCR est fait au bout de quatorze jours pour voir si le taux de virus a diminué. S’il est toujours haut, il reste en zone COVID-19. Selon les recommandations, les patients sortent automatiquement de cet isolement, au bout de 21 jours. Sachant que parfois le taux est encore haut pendant encore quelques semaines, mais il n’y a plus de risque de contagion.

À ce jour, tout le personnel est revenu et nous avons seulement 4 patients atteints de la COVID-19. Nous avons vacciné 80% des patients à la dialyse.
Les tests PCR se font encore toutes les semaines, mais dès que nous n’aurons plus de positif sur une semaine, nous pourrons arrêter de le faire en systématique.

Ce que nous n’avons pas compris et toujours pas à ce jour, c’est que nous n’avions pas relâché notre surveillance et l’application des gestes barrières dans notre travail, mais que cette fois-ci pour une raison inconnue, ça a pris de l’ampleur et que nous sommes devenus un cluster.

Je m’aperçois au travail que tout le monde est fatigué. Ce cluster nous a absorbé beaucoup d’énergie. On reprend petit à petit, notre quotidien professionnel et personnel.

Bilan

Le bilan, pour l’instant, est de 25 patients et 12 soignants/personnels du centre infectés par la COVID-19. Nous avons eu malheureusement 5 décès dont deux dans nos locaux.


Voilà, j’avais besoin de vous expliquer quelle était la raison de cette absence sur le blog. Aussi partager avec vous un petit bout de la vie de soignant, les tracas et les réflexions que nous avons et ce qu’ils doivent mettre en place pour travailler de façon logique et en sécurité. Je voulais surtout garder une trace écrite, car c’est des moments fort qu’on traverse et une crise planétaire que l’on vit en ce moment.
Et comme on dit « la mémoire s’efface, mais les écrits restent.

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